L'âme du vin Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles : " Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, De peine, de sueur et de soleil cuisant Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ; Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ? Les coudes sur la table et retroussant tes manches, Tu me glorifieras et tu seras content ;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie ; A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs Et serai pour ce frêle athlète de la vie L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie, Grain précieux jeté par l'éternel Semeur, Pour que de notre amour naisse la poésie Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! " Charles Baudelaire.
Chers amis,
Ce matin, c’est tout un pan de l’âme de notre vin qui s’est envolée vers d’autres cieux. Jean nous a quittés entouré de ses proches qu’il a tant chéris : Marie-Hélène, sa meilleure moitié, fidèle compagne de tous les instants, ses deux filles, ses deux trésors comme il aimait le dire haut et fort, et ses deux gendres, puis surtout ses petits-enfants, joyaux de son existence, qui l’ont accompagné dans son dernier grand voyage terrestre, main dans la main, cœur dans le cœur.
Il emporte avec lui tout l’amour donné et partagé avec ceux qu’il a tant aimés. Mais il laisse aussi derrière lui cette multitude de petites graines d’amour infini qu’il a semées en chaque rencontre, en chacun de nous.
Il va à présent faire les vendanges divines par-dessus les nuages en chantant. En chantant son amour de l’autre, « per omnia secula seculorum », comme il aimait si bien le faire.
Jean, le fondateur du vignoble de Villers, Jean le pinson et chef de chœur de notre première chorale, Jean le conseiller vitivinicole des premières heures de notre Clos du Bonheur avant l’an 2000, Jean, notre généreux trésorier qui donnait plus qu’il ne comptait, nous savons que nous te retrouverons, le verre de Clos de Villers-la-Vigne à la main, le béret basque sur l’oreille, ta main chaude autour de notre épaule, et ton tendre bisou d’amitié sur notre joue, un jour entre les rangs de vignes célestes ou au bar divin entourés de tous ceux que tu as aimés.
Merci de ton message d’amour quotidien, une des rares valeurs qui se multiplie en étant partagée, et de tes leçons de vie sur ÊTRE et AVOIR où tu aimais tant nous rappeler que nous n’emportons avec nous que ce que nous avons été et pas ce que nous avons eu.
Alors en ce jour de tristesse sur terre où nous perdons un ami si cher laissant un grand trou dans notre cœur, nous t’entourons de toute notre plus chaude affection et te promettons de faire grandir, avec le même soin que le petit vignoble qui nous occupe, toutes ces petites graines de tendresse que tu as semées en nous.
« Le vigneron monte à sa vigne Où es-tu, vigneron ? Le vigneron monte à sa vigne Du bord de l'eau jusqu'au ciel là-haut.»
Au revoir Jean. Au nom de toutes les vigneronnes et tous les vignerons de Villers-la-Vigne,