Au programme, ce matin là : entretien courant de la vigne, ébourgeonnage, désherbage, épamprage, tonte des pelouses, …..
J'ai sélectionné ces quelques tableaux, rien que pour vous :
Voici notre maître de chai aux prises avec la tondeuse. Observez cette attitude mâle et décontractée, le geste sûr, la maîtrise du sujet : est-ce lui qui pousse la tondeuse, ou bien la tondeuse qui le tire, et dont il tente de contenir les ardeurs ?
Voici Zoltan, fier, conquérant : la tondeuse maîtrisée, la satisfaction du devoir accompli, la force faite homme, la nature finalement domptée. Derrière lui, en tout petit, c'est Guy , en proie à un poignant dialogue intérieur: "Pourvu que je ne me casse pas la g… "
Voici le chien de Jean-Jacques. Désolé de taire son nom, mais les présentations n'ont pas été faites. Fier comme un p'tit blanc (Le chien, pas Jean-Jacques 😉 semblant surveiller son troupeau, et me demander si je voulais sa photo.
Voici Christophe, qui tentait bien de se déguiser en pied de vigne (Forme, ombre, mouvement, éclat, couleur), mais finalement débusqué par mon objectif sans pitié.
Etait aussi prévue une séance de pulvérisation de purin de prêle. Ah ! Voilà qui sort de l'ordinaire ! Il faut avoir humé les effluves de cette fabuleuse mixture au moins une fois dans sa vie. Essayez : vous aurez une révélation, et rien ne sera plus jamais comme avant. On ne peut raisonnablement prétendre avoir réussi sa vie si l'on n'a pas été initié aux senteurs biologiques du purin de prêle. N'en déplaise aux porteurs d'une montre Rolex.
L'ennui, c'est que ce matin là, il soufflait sur le vignoble un vent de force 4 à 5 sur l'échelle de Beaufort. Certes, pas de quoi décorner les bœufs, mais suffisant pour bouleverser nos plans. Même si à Villers on en a vu d'autres, il fut sagement décidé de différer cette séance de pulvérisation, pourtant pleine de promesses. C'était plus prudent : vous imaginez cette sympathique potion échouant lamentablement sur les pieds de votre voisin, au gré des caprices d'Eole, au lieu de s'en aller gaillardement fertiliser les pieds de vigne?
Du coup, le travail passa au second rang des préoccupations d'un nombre croissant de vignerons, et des groupes se formèrent rapidement. On sentait une certaine indolence s'emparer de beaucoup d'entre nous . Une envie irrésistible de prendre la vie et les bouteilles comme elles s'en viennent, et de vivre la plénitude de notre clos.
Bien avant l'heure, on convergea vers des tables de pique-nique. De fort jolis flacons, mais aussi de petites gourmandises. Une sympathique drache bien de chez nous vint nous saluer. «Ca ne va pas durer », fit paisiblement quelqu'un.
On papotait, on devisait, on plaisantait, on était bien. On vit des vignerons regarder passer les trains. On surprit même un petit moment de tendresse bien légitime…
Tout ça c'est bien joli mais, pendant ce temps-là, les Chinois, eux, ils travaillent !
Figurez-vous que, pour la première fois dans l'histoire du vignoble, que dis-je : de l'abbaye depuis sa fondation, quelqu'un introduisit une bouteille de vin… chinois !
On dégusta donc un curieux assemblage de riesling et de chardonnay, au demeurant fort respectable, mais qui, à mon humble avis, ne justifiera pas le détour jusque là-bas.
Quel est le message, en ces temps de mondialisation acharnée ? Bientôt, les vins chinois en fort belle place dans nos grandes surfaces ?
Allons, restons sereins. Nous, à Villers, nous diversifions la production. Et bientôt , vous goûterez notre marc.
N'est-ce pas là une excellente nouvelle ?
Philippe
Chasselas naturel, il revient au goulot (Version savoyarde. Merci André 😉