Ouf, les 11, 12 et 13 mai sont derrière nous et avec eux les seins de glace remis au frigo jusqu’à l’année prochaine. Souvenons-nous – un instant de frisson dans le bas du dos – de ce beau film réalisé en 1974 par Georges Lautner mettant en vedette Mireille Darc, Claude Brasseur et Alain Delon.
Le si bien nommé Saint-Mamert, suivi de Saint-Pancrace et Saint-Servais, sont toujours les trois Saints de glace qui hantent les beaux jours des viticulteurs en cette époque où la grappe se forme.
Un rien pourrait tout anéantir…
Mais en ce 24 mai, l’été torride s’est brusquement installé pendant les trois jours du long week-end de Pentecôte en jetant dans la Thyle toute proche le dicton du jour que tout le monde redoutait :
Lorsqu'il pleut à la saint Donatien, c'est la pluie pour le mois qui nous vient
Et heureusement, il a fait chaud…très chaud…aujourd’hui car
Lorsque mai sera chaud, septembre rira haut
Ah ! … Septembre, toi qui rimes si bien avec vendange…enfin si on cherche bien la rime quoi…
Septembre …
Toi qui rimes si bien pour la onzième fois…après tri soigneux par tous les joyeux membres…
Voilà pour la rime…
Depuis 20 ans que le vignoble existe, c’est la première fois que nous travaillons un dimanche…en lieu et place d’un samedi et l’appel d’Ivan le Terrible alla héler par delà les chaumières villersoises et des alentours les vigneronnes et vignerons goulus d’amitiés. Pas moins de 25 assoiffés de partage avec leur marmaille et leurs chiens, associés aux nouveaux arrivés et aux très anciens revenus.
Un assemblage bigarré qui unit dans son verre les cheveux blonds, les cheveux gris…et qui tient la route depuis bientôt 20 ans. Toute la magie de notre projet.
Toutes et tous colorés de coups de soleil aux marques de chauffeurs de camions…et de couvre-cheftaines aux allures de traversée du désert semi-aride et sablonneux du Kalahari.
Ce qui a été semé entre les rangs de Regent et Phoenix est bien parti :
La Phacélie, petite plante crucifère, mellifère comme la moutarde, particulièrement efficace contre les mauvaises herbes, notamment contre le chiendent qui a tant envahi le vignoble, la Moutarde blanche contenant des substances voisines de celles que l’on trouve dans l’ail, un bel engrais vert de choix qui assainit le sol grâce à son bactéricide naturel et les Vesces d'été si communes dans les champs sans culture …toutes montrent le bout de leurs feuilles vertes. Juste le Sarrazin qui se fait encore attendre ! Tiens voilà les petits pois cultivés entre les pieds de vigne qui montrent le bout de leur boule.
Ce matin bien tôt, le premier traitement phytosanitaire de la saison a été fait en utilisant du cuivre et du soufre sous deux de leurs formes agronomiques…
– le Cuprofix, fongicide à base d’oxychlorure de cuivre. Au contact avec l’eau, les ions de cuivre se dissolvent et tuent les spores de champignons, empêchant ainsi les infections. Pour être efficace, il faut donc que le produit ait été appliqué préventivement
– et le Kumulus, soufre micronisé, utilisé comme un fongicide d’excellente qualité pour les traitements anticryptogamiques de la vigne, surtout l’oïdium.
L'herbe de la plaine a été tondue et la dernière terrasse a bien été nettoyée des herbes indésirables, la chélidoine majeure, vous savez l'herbe à verrues, et quelques orties bien téméraires…
Le frigo et les tonnelles de la promenade gourmande sont retournés au chai et la tondeuse est revenue au vignoble.
Bref, grand temps de se retrouver autour des trois nouvelles tables pour ce déjeuner sur l’herbe tout en longueur, abondamment arrosé de vins, de viandes grillées oubliés aux brulures des braises, de rires gras comme les jambes nombreuses et serrées dans les verres de vin, larmes de glycérol lubrifiant nos gosiers assoiffés d’amitié, de regards entendus et de cris si mal retenus.
Que de cadavres exquis couchés sur le bois des tables. Vous ne pensiez évidemment pas au jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d’elles ne puisse tenir compte des collaborations précédentes.
La porte du vignoble est restée ouverte bien tard…dans l’après-midi …et les visiteurs d’Australie, d’Irlande, d’Italie, de Flandres, de Wallonie et d’Allemagne ont rejoint la cohorte bon enfant des vignerons accueillants.
Le Regent peut maintenant être dégusté à volonté…trois bouteilles…rassurez-vous…puisqu’il a terminé la maladie de la bouteille qui suit toute mise en bouteille en n’oubliant pas que nous avons produit en 2009 tout juste 184 divins flacons.
J’vous l’jure, M’sieur…d’après un allemand étudiant l’œnologie vachement bien informé en visite au vignoble ce matin et sondé par nos experts linguistiques, John et André, notre Regent est tout simplement « Begeistert !!! » (Etonnant).
Les présents ont eu bien raison ! La vie est belle, si belle !