Frais et soleil ce matin sur Villers-la-Vigne. Les dictons sont généreux aujourd’hui.
Soleil de Saint-Germain, nous promet du bon vin. À la Saint-Germain, les jours sont beaux tous les matins.
D’abord passer par le chai emporter quelques précieux flacons de Phoenix 2010 et une des dernières bouteilles de Regent 2009 pour l’apéro avant d’aller à 9h30 devant la lourde porte encore fermée à cette heure là. Les deux vignerons suivants sont dans l’ordre Jacques, secrétaire ayant la tâche méticuleuse et consciencieuse de prendre les présences à chaque réunion et Ivan, le chef d’orchestre de cette belle journée en perspective. En tous, pas moins de 16 vignerons rejoindront le Clos ce matin dont deux toutes nouvelles têtes des environs du vignoble, Marbais et Villers : Eric et Frédéric. Ils se sont (comme on peut le voir) bien penché sur le problème.
L’année passée, à la même époque, le vignoble avait mis sa robe jaune moutarde. Ce matin, la plaine a mis sa mini-jupe toute bleue couleur phacélie. Cette plante herbacée annuelle de la famille des Hydrophyllacées, originaire du Nord du Mexique et du Sud de la Californie est une plante utililisée comme engrais vert particulièrement intéressante en agriculture et apiculture.
C’est la deuxième année de notre existence viticole au sein de l’abbaye où nous parlons à présent d’engrais verts. Mais qu’entend-on par engrais vert ?
Un engrais vert, aussi appelé "CIPAN" pour Culture Intermédiaire Piège A Nitrates, est une culture temporaire de plantes à croissance rapide destinées à être enfouie rapidement pour améliorer l'aptitude culturale du sol (propriété physique, chimique et biologique) principalement en assurant un apport d'éléments nutritifs à la culture suivante. Cela permet également de lutter contre les adventices (les si mal nommées mauvaises herbes) en assurant un couvert sur un champ qui serait autrement nu.
Mais déjà, après la phacélie d’aujourd’hui, d’autres plantes attendent leur tour pour coloniser l’espace entre les rangs du Clos de Villers-la-Vigne et la biodiversité est bien présente dans ce nouvel engrais mystérieux planté cette année. Jugez plutôt sur base des photos prises ce samedi…En tous cas, notre vignoble est vert et fleuri !
A la demande de quelques confrères, je rappelle le petit lexique du travail en vert au vignoble.
Après le carassonage qui consiste à installer des piquets et les fils de fer, le calage qui consiste à tuteurer les ceps, le baissage qui consiste à accrocher la baguette au fil de fer inférieur, l’ébourgeonnage qui réduit la charge par pied, aujourd’hui notre Maître de culture nous demande d’applique les techniques de palissage / relevage, appelé aussi la Lèèève en Suisse. Le relevage consiste à placer les branches des vignes entre le double fil de fer tendu au milieu du palissage pour éviter qu’elles ne partent dans toutes les directions, puis de resserrer les fils à l’aide d’une agrafe. Les prochaines réunions, nous couperons les feuilles et les rameaux sur la vigne appelé le rognage qui consiste à tailler l’extrémité des rameaux qui ne cessent de pousser et, par conséquent, privent le raisin d’une bonne partie des matières nutritives. Sur le tronc nous pratiquons l’épamprage, si cher à notre ami Thierry, qui consiste à supprimer des pousses issues des gourmands du tronc, aux pieds des ceps nous faisons sans arrêt le désagattage qui élimine les pousses sur le porte-greffe et enfin nous couperons les sarments qui dépassent du dernier câble quand la vigne l’aura rejoint (l’écimage).
Quelques temps avant la récolte, les Eve du Clos de Villers fort expérimentées adoreront enlever ces quelques feuilles qui portent ombrage aux grappes, en pratiquant ce qu’on appelle l’effeuillage de la vigne d’Adam ou de la Marguerite. L'effeuillage permet d’enlever les feuilles situées près des grappes pour permettre un ensoleillement plus intense au raisin et éviter la pourriture grise provoquée par le champignon, le Botrytis Cinerea.
Les consœurs et confrères se rapprochent en couple que l’amour, l’amitié et le respect ont formé dans les minutes précédant le travail léger ce matin. En effet, la technique d’utilisation des engrais verts nous déchargent en partie de cet entretien et tonte fastidieux bimensuel des mauvaises herbes. Et l’énergie verte retrouvée est utilisée pour la conduite et le guidage de la vigne.
Ce matin, le relevage des fils est bien utile. Déjà, une trentaine de sarments gisent tristement sur le sol, avec deux belles grappes en devenir à chaque fois…60 grappes…6 bouteilles…perdues. Heureusement, le vignoble est câblé luxueusement à deux niveaux et le palissage régulier de la vigne nous mettra à l’abri des vents et pluies battantes des prochains mois. Les grappes suspendues au pied des longs sarments seront bien accrochés à la charpente et nous pourrons pratiquer dans quelques semaines l’écartement des baguettes en éventail pour diminuer les risques de maladies cryptogamiques.
Mais voilà qu’arrive François Vercheval, le Maître de Chai du Domaine de Mellemont, vignoble brabançon wallon bien connu couvrant une superficie de 3.5 ha en deux parties à Thorembais-les Béguines dans une ancienne ferme de l’abbaye. Avec Pierre Rion et Etienne Rigo, François vinifie l’Auxerrois et le Müller-Thurgau et produit de 4 à 12000 bouteilles par an,
François vient ramener notre filtreuse à plaque et nous remercier en offrant à la Confrérie deux superbes fûts de chêne usagés pour décorer notre futur chai ou vignoble. Il n’est pas venu les mains vides…dans une son blanc 2009 bien charnu et dans l’autre son nouveau vin mousseux belge ! Il fait beau. Les vins des deux vignobles sont échangés, ouverts et consommés avec modération.