Brrrrrr. Il faisait encore froid ce matin. Toute la semaine, la Belgique a grelotté.
Les 10 degrés sous la barre de zéro à peine derrière le dos, il restait encore ce matin après une nuit bien froide à peine – 3 degrés en poussant la lourde porte métallique du Clos de Villers-la-Vigne.
Depuis plus de 20 ans que nous taillons la vigne à Villers, de mémoire de pionnier, je n’avais jamais encore taillé sous la neige et la glace.
Ce matin, vers 9h30, le vignoble semblait encore engourdi sous son manteau blanc et la glace par-dessous.
Les plus courageux d’entre nous bravèrent le froid pour répondre à l’appel chaleureux du Maître de Taille à venir tailler la plaine glaciale, sécateur à la main et nez qui coule au milieu du visage.
Pendant trois heures, les paires de vigneronnes et vignerons, les couples de tailleurs et tailleuses – face à face de part et d’autres des câbles – se sont faits et défaits soit pour tailler en Guyot simple et parfois double, soit aussi en laissant quelques rescapés du cordon de Royat.
Avant de tailler, il faut parler à son pied…de vigne. Puis regarder le pied de droite et le pied de gauche, afin de visualiser l’espace laissé au pied à tailler puis couper…en connaissance de cause après avoir partagé sa vision avec son binôme quitte à l’adapter quelque peu.
Puis il y a la sélection de la ou des bonnes baguettes, si le Guyot est choisi. Arcurer le sarment de l’année dernière n’est pas une mince affaire car elle craque un peu ou risque de casser à la jonction avec le pied.
Ecarter les fils palisseurs, dégrafer les attaches, défaire les anciens bois, retrouver de quoi fixer le sarment courbu…couper en biais la fin du sarment ou les autres baguettes devenues inutiles, le bord plat du sécateur contre le vieux bois, ramasser le bois coupé.
Notre rouge-gorge fidèle et chéri, lui aussi semblait surpris de nous revoir ce 3 mars par – 3 degrés. Mais son plumage n’avait rien à envier à notre attirail engoncé dans nos chandails, bonnets, gants et écharpes.
Puis comme à l’accoutumée, à midi trente, les 5 bouteilles de Villers-la-Vigne blanc arrivent sur la table. Quelle belle surprise. Une verticale de Phoenix ce midi ?
En effet, 3 millésimes trônaient fièrement sur le bois enneigé du banc public. 2015-2016 et 2017.
Moi qui y étais, je puis vous le dire. Cette verticalité a émerveillé à ravir toute notre troupe frigorifiée par une étonnante diversité et qualité, au grand étonnement des nouveaux. Chaque millésime avait ses fans et détracteurs. Comme quoi, les vins sont comme les Hommes. C’est leur diversité qui nous rend si riche.
Une fois de plus, nous avons refait le monde ensemble, et encore une fois nous avons trouvé que Villers-la-Vigne a été, est et sera le meilleur psychologue du monde.