«Y'a un moteur qui nous suit» déclamait Fernand Reynaud voici bien longtemps. Un petit coup d'oeil dans le rétroviseur : c'est vrai, il y a un motard qui me suit.
«Je sens que ça va être pour ma pomme» poursuivait l'humoriste. Mais non, ce moteur là n'est pas de la maréchaussée et n'a pas l'air pressé. Il reste sagement derrière. Lui aussi semble savourer la quiétude ce petit bout de route menant vers l'abbaye de Villers-la-Ville sous les arbres majestueux du bois d'Hez. Plus bas, nos chemins divergent. Il file vers son destin et moi vers un petit vignoble bien connu.
Le soleil est radieux, la température idéale. La météo ne nous a guère épargnés ces derniers jours et daigne nous octroyer quelques rayons de soleil durant ces quelques heures. Des conditions idéales pour ceux d'entre nous qui retiennent leur souffle avant l'élection présidentielle française.
On en vit de toutes sortes ce matin là. Le nombre de vignerons au mètre carré se tenant dans une moyenne très honorable, chacun fut affecté à une tâche bien déterminée, notamment vers les terrasses. On épamprait, on désherbait, on devisait, on rêvassait.
L'escalier fut l'objet d'attentions particulières d'une précision quasi-chirurgicale. D'ailleurs, Barbara nous a promis d'y passer l'aspirateur dans un avenir proche. On attend, nous…
D'autres s'attaquaient à la végétation grimpante à l'entrée du clos, notamment au lierre qui, si on n'y prend garde, vous recouvre un mur en moins de temps qu'il n'en faut pour conduire la vigne. Broyeurs, cisailles, tronçonneuse et pétarades furent bien vite de la partie. On arrachait, on coupait. Toujours plus loin, toujours plus haut.
On nota même la présence d'un olibrius visiblement échappé de quelque cirque de passage, juché très haut au sommet d'un mur, en proie à un poignant dialogue intérieur : « pourvu que je ne me casse pas la g… ». Chacun retenait son souffle tandis que, muni d'un coupe-branches, il exécutait son numéro. «Mekeski Foulao Suy La» aurait pu s'exclamer quelque Chinois franchissant la voûte séculaire de la Porte de Namur.
L'heure de l'apéro. Patrick vient tout juste d'entamer l'écriture d'une nouvelle page du livre de sa vie: le temps venu d'enfin récolter les fruits de nombreuses années de labeur. Une petite bulle pour fêter ça. «Fais péter!» tonna une voix puissante empreinte de l'héritage du peuple magyar, bien connue des vignerons.
Soleil, conversations, breuvages, amitié : ah, ce qu'on est bien !
Philippe Il faut s’efforcer d’être jeune comme un Beaujolais et de vieillir comme un Bourgogne. Robert Sabatier