« Pas moyen d'ouvrir cette porte ! » Allons, bon. Nous voilà bien, ainsi bloqués à l'entrée du chai. Tintements de clés, tentatives multiples, interjections diverses… Clac ! Ca y est ! Une poigne solide parvient à faire jouer le mécanisme de la serrure. La porte pivote gentiment sur ses gonds. « Faudra mettre un peu d'huile, les gars ! »
Il fait bon, à l'intérieur. Les ventilateurs, récemment installés dans les conduits d'aération favorisent l'extraction de l'humidité. L'effet sur l'air ambiant est bénéfique.
C'est notre première réunion de l'année 2014. Le blanc nous attend, bien sage dans sa cuve. Et une centaine de bouteilles à remplir, boucher, capsuler, étiqueter, et ranger.
Avant cela, quelques manipulations. Le jus, légèrement trouble, doit être extrait de sa cuve au moyen d'une petite pompe, qui le fera transiter par la filtreuse, et sera transvasé dans une autre cuve où il apparaîtra, limpide, beau. Regardez moi ça….
Bon, au boulot !
Ah ! Qu'il est doux, le son des bouteilles qui s'entrechoquent par un dimanche matin au fond du chai. De ces flacons que nous allons emplir pour mieux les vider ensuite…. Comme il est familier, rassurant, prometteur, flatteur aux tympans… A-t-on déjà entendu plus belle musique ?
Une liasse d'étiquettes est posée sur le plan de travail, les bouchons sont sortis de leur emballage. Des mains féminines disposent soigneusement les capsules jaunes, en un fort joli assemblage, digne des vitrines des meilleurs chocolatiers bruxellois. Ne manquaient plus que les gants blancs.
C'est parti ! Glouglou fait le nectar tournoyant dans la première bouteille, que Marc tient solennellement. Suivons-là un peu, cette bouteille :
D'abord, on ajuste le niveau. Admirez la haute technicité de l'instrument que l'on utilise à cette fin. Une invention maison, mise au point par le gratin de notre équipe de vinificateurs, que je nommerai ici régulateur de niveau, mais que nous désignons par un vocable plus familier.
Ensuite, la bouchonneuse («…'tention les doigts ! » ), excellent entraînement pour la musculation. Puis, une capsule thermo-rétractable vient coiffer le goulot, qu'elle enserre quasi instantanément sous l'action du sèche-cheveux. Enfin, deux mains apposent délicatement une étiquette, geste consécratoire, s'il en est.
Et voilà le travail ! Ce blanc est le premier vin issu de notre nouveau chai. Il et aussi le premier à être si joliment étiqueté. Plaçons-le à côté de son grand frère, le seigneur Regent 2010. Ne sont-ils pas mignons, tous les deux ?
101 bouteilles ! Ca, c'est ennuyeux, car à Villers, on aime les chiffres ronds. Que faire ?
Après mûre réflexion et d'ardents débats, on résolut d'en soustraire une, pour que le compte y soit. Admirez notre sens du sacrifice…
« Voyez comme il est bon, comme il est doux d'habiter ensemble », chantait Julos Beaucarne. « Voyez comme il est bon, comme il est doux de boire un p'tit coup ensemble », aurait pu ajouter Christophe.
Car, on ne sait d'où, on avait sorti nectars, mangeailles, bonne humeur et rigolades, en une scène que n'aurait pas renié Brughel l'Ancien. Hommage à Kate, jeune Américaine fraîchement arrivée pour un séjour linguistique, et qui dut bien se demander dans quel antre elle était allée se fourrer ce matin là…