C'est reparti! Traditionnellement, le premier samedi de mars inaugure la saison par une séance de taille. La semaine dernière, Jean-Jacques a galvanisé son auditoire par un majestueux briefing à ce sujet. Nous voilà fin prêts pour l'action.
Après la fort jolie saison dont elle nous a gratifiés l'an passé, la vigne s'éveille graduellement de son repos hivernal, encore tout ébouriffée de sarments qu'il nous faut tailler, et dont l'aspect n'est pas sans rappeler la chevelure d'un président qui aurait omis de se peigner avant de venir. Ce qui, comme chacun sait, n'arrive jamais.
Une trentaine de vignerons étaient là, munis de sécateurs et de bonne intentions, les verres et flacons bien choisis sagement dissimulés au fond des besaces. Mais ça, c'est pour après. Un hommage à trois jeunes américaines venues s'adonner aux joies de la viticulture wallonne, et à mon ami Karl le Viking, accouru pour renforcer notre équipe bien décidée.
Nous y sommes. Chaque cépage est un méli-mélo qu'il nous faut tenter de comprendre et interpréter avant de jouer du sécateur. Eliminer le bois ayant fructifié, choisir un sarment jeune et vigoureux qui constituera une fort jolie arcure et un autre, que l'on taillera très court, et qui servira de rachet en prévision de la saison prochaine, est moins facile qu'il n'y paraît. On estime, on hésite, on sollicite un avis avant le clac! fatidique qui emportera la partie éliminée.
Les sécateurs virevoltent, les allées sont vite jonchées de sarments que rassemble une équipe de vignerons munis de rateaux et de brouettes.
A trente, ça va vite. Il est déjà douze heures, et personne ne relève la tête. Il faut dire que les cépages de la plaine ont été taillés dans leur quasi-totalité, et qu'ils serait dommage de ne pas finaliser ce qui doit l'être. Allez, on y va jusque midi et demie.
L'heure de l'apéro a sonné. Jean-Jacques nous invite à nous délecter du spectacle d'une vigne bien taillée. Malgré le petit vent frais qui nous transperce, ce sont principalement des vins blancs qui sortent de leur cachette et flattent nos papilles. Quelques rouges aussi.
Une belle matinée qui s'achève, la satisfaction du travail bien fait, une saison prometteuse qui s'ouvre, voilà de quoi nous combler d'aise.
Philippe Le vin rend l’oeil plus clair et l’oreille plus fine Charles Baudelaire.