Les vendangeurs lassés ayant rompu leurs lignes, Des voix claires sonnaient à l'air vibrant du soir Et les femmes, en chœur, marchant vers le pressoir, Mêlaient à leurs chansons des appels et des signes…
Une bonne vingtaine de passionnés atteints de sécatite aigüe s’étaient donnés le mot. A l’heure où le soleil commence à envelopper les visages de couleur orangée et à allonger les ombres couchées au sol, l’ordre de couper le raisin sonnait comme une délivrance, celle d’enfin récolter le fruit du travail de l’année. Tant d’efforts à présent à portée de lame et de seaux.
Il faut dire que l’année 2015 a été belle. La pluie de septembre, le botrytis naissant sur les grains et la Jazz Wine de ce week-end ont sonné le glas de repousser plus loin la date de vendange du Phoenix.
Notre nouveau Maître de Chai a.i. est sérieux, très sérieux. Pour les nouveaux nombreux ce soir, il se présente à la balance et pose fièrement, titre en tête.
Et toute la journée il répète comme toi: "Je suis un homme sérieux! Je suis un homme sérieux!" Mais ce n'est pas un homme, c'est un ingénieur! Librement inspiré d’après St Exupéry
Belle année volume que voici. 195 kg après tri et belle qualité sanitaire après tris sur pied les derniers jours et sur table ce soir. (Moins de 4 % de pertes). Rapporté par pied, cela nous fait un poids de 1,75 kg par pied (111 porteurs)
C'est par un ciel pareil, tout blanc du vol des cygnes, Que, dans Naxos fumant comme un rouge encensoir, La Bacchanale vit la Crétoise s'asseoir Auprès du beau Dompteur ivre du sang des vignes.
Le tri des raisins à la vendange est une étape indispensable dans l’élaboration de bons vins. Le vigneron sélectionne alors les plus beaux raisins possibles compte tenu du millésime et des conditions climatiques. En triant, il exclut de l’élaboration de ses nectars tous les éléments indésirables susceptibles d’en altérer la qualité. La priorité des priorités est d’éliminer les baies et les grappes atteintes par la pourriture grise (botrytis), par la pourriture acide ou par les maladies (mildiou, oïdium). Elles peuvent provoquer des déviations aromatiques et, dans les cas graves, des défauts rédhibitoires. La première induit des mauvais goûts de moisi, d’arômes de champignons, de terre. La seconde engendre des acidités volatiles élevées et, à l’extrême, des odeurs de « piqué » et de « vinaigre ». Le deuxième objectif du tri est l’exclusion des fragments de végétaux verts (feuilles, sarments, pétioles…). Ces fragments favorisent l’apparition de notes herbacées ou astringentes.
La dernière finalité du tri est l’élimination des grappes insuffisamment mûres, afin de viser une maturité optimale. Comme effectué cette année, le tri gagne à être effectué directement sur pied à la vigne et à la réception au chai.
Cette année, les coccinelles ont envahi nos grappes, nos cheveux, notre chai. Un vin pressé avec une récolte qui affiche un ratio de quatre coccinelles par kilo de raisin révèle d’indéniables défauts à la dégustation. Le problème tient à ce que les coccinelles qui recherchent leur nourriture dans les vignobles restent dans les grappes au moment de la récolte et sont écrasées avec le raisin dans les cuves. Lorsqu'elles sont écrasées, elles libèrent une substance chimique appelée isopropyl méthoxypyrazine qui a un goût herbacé ou de noisette qui n'est en réalité par étranger aux arômes naturels de certains vins, mais qui, en quantité importante, dénature le goût et donne un produit impossible à commercialiser.
La Bête à Bon Dieu dans les cheveux d’argent de la belle du Bon Dieu…
Les pucerons et certaines odeurs attirent les coccinelles, notamment les odeurs dégagées par le raisin mûr, et les coccinelles sont attirées par le raisin au moment où ses odeurs sont les plus fortes. Par ailleurs, lorsque les températures chutent la nuit en automne, les coccinelles se mettent dans les grappes de raisin pour se protéger. Et une fois au chaud dans les grappes, elles ne partent plus. Lorsque le raisin est récolté et écrasé, les coccinelles sont également écrasées, ce qui altère des récoltes entières de raisin.
Et maintenant, ça peut commencer …comme dirait Hugolin dans Manon des Sources…
En route pour le chai…17 caisses…18 porteurs…
Grande première pour notre Maître de Chai 2015…il est sur le pont, écartelé entre le stress et le plaisir. Foi de Christophe, c’est le second qui a gagné !
Enlèvement des coccinelles, égrappage, foulage, lancement de la macération pelliculaire à froid à 4 degrés pour deux jours de pigeage. André sourit. Ouf. Les 195 litres de moût ont une belle couleur.
Le frigo est plein. Les 3 cuves de 100 litres à chapeaux flottants sont utilisées.
Et le moût, me direz-vous ? Acidité correcte, teneur en sucre un peu faible. Qualité sanitaire irréprochable. Il faudra chaptaliser. C’est tout.
Le boudin, la langue en gelée et le pâté sortent de leurs papiers, les bouchons sautent. Les rires fusent. De nombreux nouveaux membres découvrent les joies de la vinification et du partage des connaissances.
Aujourd'hui, brandissant le thyrse radieux, Dionysos vainqueur des bêtes et des Dieux D'un joug enguirlandé n'étreint plus les panthères ; Mais, fille du soleil, l'Automne enlace encor Du pampre ensanglanté des antiques mystères La noire chevelure et la crinière d'or. José-Maria de HEREDIA (1842-1905)
Et puis vint le soir et la douceur de l’aurore. Un instant béni pour l’ancien Maître de Chai, un peu photographe iconoclaste et un peu poète à 5 francs. Il se met à rêver des Cuvées futures sur base d’une seule grappe, en vidant son verre des Cuvées passées, telle un Phoenix, qui renaît chaque jour de ses cendres. C’est l’instant où ses batteries se rechargent, branché sur la prise de la passion, prêt pour une nouvelle journée …demain…